Origines du chien de Berger
Le Beauceron, comme son nom l'indique est un chien de berger, et a donc des origines communes avec toutes les races de chiens de berger. Les historiens remontent jusqu'au néolithique pour les premiers chiens domestiques, mais l'utilisation du chien comme auxiliaire de troupeaux n'est décrite qu'à partir de l'antiquité, son rôle étant à l'époque de protéger les troupeaux contre les prédateurs. C'est pour ce rôle exclusif de protection que le chien continuera à être utilisé et sélectionné auprès des troupeaux, jusqu'au Moyen Age.
Le chien de conduite n'apparaîtra que beaucoup plus tard, les anglais étant des précurseurs en la matière et décrivent cette utilisation à partir du milieu du XVIII ème Siècle.C'est à cette époque également qu'en France on commence à s'intéresser de près aux chiens et à leur fonction, et que Buffon décrira ainsi pour la première fois les chiens de berger, dans son Histoire Naturelle (1755):
La taille de ces chiens est en dessous de celle des mâtins, des grands lévriers et des grands danois ; ils ressemblent beaucoup aux mâtins par la forme de la tête et du museau, qui sont plus gros que dans les lévriers et plus minces que dans les danois. Les chiens de berger ont les oreilles courtes et droites, et la queue dirigée horizontalement en arrière, ou recourbée en haut, et quelquefois pendante. Le poil est long sur tout le corps, à l’exception du museau et de la face extérieure des jambes, et même de la partie postérieure des jambes de derrière qui est au-dessous des talons. Le noir est la couleur dominante de ces chiens ; [l’un deux] a du gris sur la gorge, sur la poitrine et sur le ventre ; les jambes et la queue ont plus de fauve que de noir, il y a aussi deux tâches de couleur fauve au-dessus des yeux, et quelques teintes de cette même couleur sur le museau. On appelle les chiens de cette race Chiens de Berger parce qu’on les emploie à la garde des troupeaux. »
La toute première évocation en France du chien de conduite sera faite en 1790 par le sieur Liger dans sa Nouvelle Maison Rustique. On utilise, en terrain accidenté, à cette époque, deux races distinctes : une destinée à la conduite, de petit gabarit, et une plus forte destinée à la protection du troupeau. L’exemple actuel le plus flagrant permettant d’illustrer ces deux fonctions est celui des chiens de troupeau des Pyrénées, où l’on retrouve l’impressionnant montagne des Pyrénées, destiné à la garde, et le beaucoup plus petit berger des Pyrénées destiné à la conduite qui par son adresse est beaucoup plus à l’aise, en particulier en terrain accidenté.
En plaine, cette distinction est moins marquée et on retrouve plutôt des races de taille intermédiaire leur donnant une certaine force sans les alourdir, et assumant à la fois les rôles de garde et de conduite.
Naissance du Berger de Beauce
Les races ne se sont vraiment individualisées qu’à partir du XIXème siècle. En effet, il n’existait alors que très peu de relations entre les différentes régions françaises, et dans chacune d’elles se sont développées des races d’animaux, qu’il s’agisse de chiens, de vaches ou de moutons, plus spécifiquement adaptées aux exigences de leur environnement. Les chiens en général, et de berger en particulier, n’avaient aucune valeur commerciale, ils n’étaient donc élevés ni dans un but lucratif, ni par passion pour l’élevage. Ils étaient un outil au service de l’Homme, et étaient choisis dans ce sens. Les individus les plus efficaces étaient mis à la reproduction et croisés entre eux, et sur la portée on ne gardait que quelques chiots, voire un seul. Partant du principe que les aptitudes au travail devaient être liées à une ressemblance physique avec les parents, le chiot le plus proche morphologiquement était conservé, les autres éliminés. La succession des générations a ainsi permit la fixation de caractères morphologiques et d’aptitudes propres selon les régions : le concept de race était né.
La première mention d'un chien de berger, alors utilisé en protection, de robe noire et feu, fut celle de l'Abbé Rozier en 1785 dans son Cours d'Agriculture. En 1863, a lieu à Paris la première exposition canine, organisée par la Société Impériale d’Acclimatation, à l’occasion de l’Exposition Universelle. Parmi les chiens d’utilité se trouvaient 13 chiens à oreilles droites, poil noir et fauve, de type lupoïde…il s’agissait probablement de la première apparition officielle du futur Berger de Beauce. En 1866, A. Bénion distingue 4 races principales de chiens : le chien de berger, le chien mâtin, le dogue et le chien courant. Parmi les chiens de berger, il distingue trois variétés : une destinée à la garde et surtout à la conduite des bandes de bœufs, une destinée à la garde et à la conduite des troupeaux de moutons, une troisième originaire de Brie et « forte en renom ».
En 1889, le vétérinaire Pierre Mégnin, membre de l’Académie de Médecine, fait dans L’Éleveur une description des quatre différentes races de berger français, parmi lesquelles le « Chien de Berger : ancienne race française ou Chien de Beauce », à l’aspect sauvage et l’abord rude, mais en y regardant de plus près, on découvre chez lui de la sveltesse et même de l’élégance. Il est de taille moyenne et bien proportionné, la tête un peu allongée, à museau étroit mais à front élevé et large indiquant l’intelligence, ses yeux sont petits, jaunâtres et vifs, ses oreilles droites et courtes. Ses membres et ses pieds sont robustes et bien faits. Son corps est couvert d’un poil rude, de couleur noire ou gris bien mélangé en-dessus, souvent jaunâtre en-dessous et en-dedans des membres, et quelques fois avec du blanc aux fesses. La queue est touffue, pendante et à pointe relevée.
A partir de 1893, les deux variétés « de Brie » et « de Beauce » figurent régulièrement dans les expositions canines françaises.
En 1896, sous l’influence du même Pierre Mégnin ; Emmanuel Boulet, exploitant agricole, et Ernest Menaut, Inspecteur Général de l’Agriculture, créent une commission chargée de déterminer les points les plus rationnels fixant les caractéristiques de deux chiens de berger, l’un à poil long nommé « de Brie » et l’autre à poil court « bas-rouge » nommé « de Beauce ». Cette commission entraîne quelques mois plus tard la création du Club Français du Chien de Berger, présidé par Emmanuel Boulet, dont les buts principaux sont « d’encourager par tous les moyens possibles l’amélioration, l’élevage et le dressage de nos races si utiles de chiens de bergers français, collaborateurs indispensables de la ferme, en même temps que fidèles gardiens, et récompenser les meilleurs bergers ».
La même année, une description des deux races faite par le professeur Cornevin, de l’Ecole Vétérinaire de Lyon, dans son ouvrage « Zootechnie spéciale », entraîne la création des premiers standards. Enfin, le 24 avril 1911, naît le Club des Amis du Beauceron, présidé par Léon Siraudin, dont la première tâche sera de réécrire plus précisément le standard. En 1914, Paul Mégnin reprend la description du « Chien de Beauce », en faisant état de deux variétés : l’une à poil long quasiment disparue, et l’une à poil court
La première inscription au L.O.F. date de 1893, il s’agit de Bergère de la Chapelle, fille de Sultan et Fidèle, de robe noir et feu, qui mesurait 65 cm. Deux autres chiens furent inscrits avant 1898 : Vénus, femelle de robe noir et feu, et Brissac, mâle de robe gris foncé et feu.
La première guerre mondiale fut responsable d’une pause dans la sélection et la production beauceronnières, en réduisant les rangs des beauceronniers comme ceux des Beaucerons. On peut noter au passage que de nombreux Beaucerons furent envoyés au front, où ils se montrèrent être de précieux auxiliaires. Après la guerre, le Club des Amis du Beauceron, présidé alors par M. Dretzen, reprit ses activités, et deux affixes commencèrent à se distinguer : le Fief Royal à M. Krémer, et Champerret à M. Bouju. Ce dernier devint l’élevage le plus important des années 30, de part le nombre de reproducteurs et la qualité des produits, et on retrouve son sang dans la plupart des Beaucerons actuels.
La seconde guerre mondiale perturba à son tour la progression de l’élevage canin, les conditions n’étant comme on s’en doute plus très favorables. Les seuls Beaucerons à subsister vivaient à la campagne, ou étaient réquisitionnés pour la garde des sites militaires.
Dès la fin de la guerre, en 1947, une exposition spéciale de race est organisée à Charenton. Elle regroupa environ 50 chiens, mais de qualité médiocre. Ce constat poussa les beauceronniers à chercher de forts reproducteurs afin d’améliorer rapidement la qualité du cheptel ; ainsi qu’à faire découvrir ou redécouvrir la race par des concours de travail inter-races. Le but était également de s’opposer à la concurrence des races étrangères, principalement le Berger Allemand, avec une certaine idée de revanche d’ailleurs. C’est à cette période qu’ont été créées les premières délégations régionales du Club des Amis du Beauceron, afin de faciliter l’information de chacun.
Les résultats ne se firent pas attendre et rapidement on observa une nette progression de la qualité des sujets présentés à l’exposition spéciale annuelle, résultats obtenus grâce aux efforts des éleveurs de l’époque dont on peut citer les affixes : du Fief Royal, de Champerret, du Ruau, de la Balastière, de la Casa Mozza, des Grosses Pierres, des Mouthieux, de Ségui, de l’Allée aux Princes, de la Seiglière, de Gargane, de la Plaine des Quints, ainsi que l’Ecole nationale d’agriculture de Grignon (affixe « de Grignon ») et la bergerie nationale de Rambouillet (affixe « de la Bergerie Nationale ») qui produisaient des Beaucerons en fonction de leurs propres besoins pour le travail sur les troupeaux en leur possession.
En 1963, le Club des Amis du Beauceron décida de mettre en place la Sélection Nationale, au cours de l’Exposition Nationale d’Elevage. Il s’agissait d’avoir une idée plus précise du potentiel génétique du cheptel, sans pour autant risquer une dégénérescence à cause d’une consanguinité trop poussée. Le principe était de sélectionner une poignée de Beaucerons parmi les meilleurs et d’établir des croisements, dont les produits étaient jugés et contrôlés par le club : les dirigeants du club décidaient des mariages, et certains chiots étaient placés chez des cynophiles favorables au programme d’amélioration. Ce fut le début des cotations. Parmi les 45 chiens présents ce jour là, 6 d’entre eux ont été sélectionnés ce qui équivaudrait actuellement à la recommandation. Il s’agissait de Iolan de la plaine des Quints, Kady, Landru, Ira de Trémonvilliers, Dyna de la plaine des Quints et Irka.
Ces informations sont tirées de la thèse de doctorat vétérinaire du Dr Lopez Marie : Le Beauceron, chien de travail. Pour des informations encore plus détaillées, vous pouvez consulter le site du Club des Amis du Beauceron, page historique